Le conte : constance et nuances

Le 11/01/2024 0

Le “conte” couvre plusieurs formes de récits, qui ont tous la particularité d’être courts et se dérouler dans un univers éloigné du réel.

Les contes merveilleux que Perrault a sélectionnés au XVIIe siècle et regroupés en recueil ont connu un regain d’intérêt deux siècles après leur parution, bénéficiant du goût des Romantiques pour les créations populaires. Entre-temps, au XVIIIe siècle, quelques auteurs, comme Voltaire, avaient adopté l’intitulé et le genre pour exposer leur doctrine et leurs idées abstraites, sous une enveloppe facile et séduisante ; ce fut la mode des contes philosophiques.
Enfin, beaucoup d’écrivains, en tête desquels Maupassant, ont utilisé le terme de conte pour intituler leurs récits fantastiques. Ils jouaient là avec le surnaturel, l’irrationnel, l’irréel, qui sert facilement de cadre à ce genre d’aventures.
À tort, limité aux épopées d’origine populaire et transmises de façon orale (les fameuses veillées), le conte désigne des récits bien différents, ce qui rend impossible une définition unique.

Toutefois, des caractéristiques spécifiques se retrouvent de manière constante. D’abord, le récit est bref ; ensuite, il relate des faits imaginaires.
À la différence du roman ou de la nouvelle, qui cherchent à imiter, voire rapporter le réel, le conte se déroule dans un monde où règnent l’invraisemblance, le merveilleux et le surnaturel. Il permet de prendre de la distance avec le quotidien, d’élever l’esprit et de rêver.
La simplicité du récit, le caractère typé des personnages, les situations quasi-rituelles ne sont que superficiels ; le conte est aussi un moyen de transmission pour un message (la morale) ou une émotion (l’amour, la violence, la peur). Il donne lieu à des interprétations : les ethnologues, les folkloristes ou les psychanalystes voient dans le conte les marques d’un inconscient populaire et s’attachent à en dégager le sens profond.

L’étude des contes a conduit à considérer que ces récits sont standardisés ; Propp en a déduit un schéma narratif générique, avec 1 – une situation de départ, 2 – l’équilibre initial rompu par une force perturbatrice, 3 – une fois le déséquilibre créé, un intervenant inverse vient calmer le trouble et 4 – conduire à un état final satisfaisant. Parfois l’équilibre initial est retrouvé, souvent l’état est transformé (ils se marièrent et…)
Les personnages du conte sont peu nombreux et tiennent des rôles définis :
— le héros, au choix de l’auteur
— l’adversaire qui perturbe la situation initiale et s’oppose au héros
— l’objet correspond au désir du héros, l’objectif qu’il se fixe
— le ou la destinataire de l’objet, quelques fois une bergère ou une princesse
— le donateur va donner au héros ce qu’il cherche, parfois une fée, un être irréel
L’auteur a aussi le loisir de faire intervenir un autre auxiliaire pour aider le héros ; souvent, celui-ci est de nature humaine quand le donateur est de nature fantastique.
Tous les personnages peuvent être puisés dans le monde connu (un garçon, une fille) ou incroyable (un chat botté, un dragon, une licorne). L’auteur aura la prudence de s’assurer que le lecteur connaisse ces types de personnage, sinon il les décrira dans le corps du texte.
Inutile de se prendre la tête avec la psychologie individuelle des personnages ; leur intérêt ne réside pas dans leur caractère mais dans la fonction qu’ils occupent dans le récit.

Quelques pistes de lecture
V. Propp, Morphologie du conte
B. Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées
Marc Soriano, Les contes de Perrault
Pierre Péju, La petite fille dans la forêt des contes
Luda Schnitzer, Ce que disent les contes
J.P. Bayard, Histoire des légendes, Que Sais-Je ? n° 670

écriture classique méthode

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