La première qualité du style

Le 14/02/2024 0

Albalat citait les trois caractères d’un style qui résument les autres qualités : l’originalité, la concision et l’harmonie.

Il y a un style tout fait, banal, à l’usage de tout le monde, un style cliché, dont les expressions neutres et usées servent à chacun ; un style incolore construit avec les seuls mots du dictionnaire ; un style mort, sans flamme, sans image, sans couleur, sans saillie, sans imprévu, un style terre-à-terre et élégant, grammatical et inexpressif, le style convenu et correct, irréprochable et sans vie. C’est avec ce style-là qu’il ne faut pas écrire.

La marque du cliché, de l’expression toute faite, ce n’est pas d’être simple, ordinaire, déjà employée ; c’est qu’on peut la remplacer par une autre plus simple ; c’est que, derrière elle, il y a la vraie, la seule, celle qu’il faut mettre à tout prix, l’eût-on dite mille fois. Pour dire : Il pleut, on peut dire : Il pleut, ces mots existent et sont autorisés. Mais on peut aussi montrer les gouttes sur les vitres, l’eau sur le visage du personnage, le vent ou de l’atmosphère.

De même, il faut s’interdire les épithètes toutes faites, les épithètes obligatoires, dont on croit indispensablement devoir accompagner certains mots : les larmes amères, l’éclair farouche, un expédient favorable, une horreur indicible, un regard froid et sévère. On peut se permettre ces locutions et on les trouve chez les meilleurs écrivains ; mais c’est leur omniprésence qui crée la banalité et le caractère incolore d’un style.

Un autre vice, non moins dangereux, est la périphrase, qui est une circonlocution, un flot de paroles, pour dire longuement une chose qui pourrait être dite brièvement. Shakespeare et Victor Hugo montrent qu’on peut appeler les choses par leur nom. Racine disait : Cependant, sur le dos de la plaine liquide, / S’élève à gros bouillons une montagne humide ; même si aujourd’hui, un envoyé spécial dirait plutôt : La pluie continue de se verser sur les inondations !
L’emploi de la périphrase, en certains cas, paraît nécessaire et fort littéraire. C’est l’excès, comme toujours, qu’on doit éviter, à moins que la pensée n’y gagne en intention, en esprit ou en couleur. Affaire de tact.

On n’atteint l’originalité que par le mot naturel ou l’expression créée.
Les deux ne font qu’un chez les grands écrivains ; l’expression créée est chez eux toujours naturelle, parce qu’elle est le mot qu’il fallait trouver pour caractériser une nuance nouvelle, un rapport inédit, une pensée neuve. Il faut les deux pour être parfait. La simplicité seule est souvent sans couleur et risque d’être pâle.
Le don d’écrire naturel n’est pas une aptitude inconsciente. Le naturel s’acquiert. C’est par le travail qu’on l’obtient. On peut même dire que le naturel est le résultat de beaucoup d'efforts.

auteur analyse écriture

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