Quelle place pour l’autoédition ?

Le 02/04/2024 0

L’étude du Ministère de la Culture consacrée à l’autoédition offre des regards variés sur la pratique en hausse.

L’étude L’autoédition de livres francophones imprimés : un continent ignoré, publiée par le Ministère de la Culture livre des informations multiples pour les candidats et les acteurs du monde du livre.

L’autoédition agace et fait rêver. Elle agace les acteurs traditionnels du livre qui y voient une dénégation du lent travail qu’ils assurent : recherche d’auteurs, maturation des manuscrits, fabrication, accompagnement de la diffusion, distribution et commercialisation des livres, etc. Elle fait rêver, car elle porte en elle les talents cachés que des éditeurs, rétifs ou submergés par la nouveauté, ont refusés, et qu’elle seule permet de faire connaître et reconnaître.

La première difficulté réside dans la définition du phénomène, car sous le vocable de l’auto-édition se retrouvent des réalités différentes : l’auteur-éditeur peut éditer d’autres auteurs ; un éditeur traditionnel, pour se diversifier, peut créer une plateforme ad hoc et publier des auteurs auto-édités ; les plateformes d’autoédition se professionnalisent avec des services proches de ceux proposés par un éditeur. Sans oublier les éditions à compte d’auteur. Même si une distinction majeure se place entre ces deux formules : dans le cas de l’autoédition, l’auteur est son propre éditeur et prend en charge les frais d’édition. Dans l’édition à compte d’auteur, la diffusion n’est pas toujours assurée par les éditeurs, alors qu’elle est prévue dans les contrats, l’auteur supporte les frais d’édition et en assume le risque. Au registre des bonnes nouvelles : les livres édités par des maisons d’édition à compte d’auteur ont décliné (24 % des titres auto-édités). Les plateformes numériques d’autoédition atteignent pour leur part 50 %.

Les auteurs auto-édités regrettent la méfiance ou la frilosité des libraires et l’ignorance des bibliothécaires ; les « petits » éditeurs signalent aussi cette attitude, la rentabilité prime sur la curiosité, elle-même en berne.

Après avoir cité les exemples du passé : des centaines d’auteurs "s’auto-éditent" au XVIIIe siècle, en profitant de la loi de 1777 qui leur permet de vendre leurs ouvrages en toute liberté, l’étude rappelle les principes de l’autoédition qui a doublé entre 2010 et 2019 et passe de 12 % (7 700 titres) à 20 % (15 451 titres) des livres publiés et imprimés selon le dépôt légal auprès de la BNF. Ces nombres impressionnants ne tiennent pas compte de la publication numérique, car on dispose de peu d’informations fiables sur les livres numériques. Or la plus grande partie des livres autopubliés le sont initialement en version numérique.

Les quatre universitaires, Stéphanie Peltier, Françoise Benhamou, Christophe Cariou et François Moreau, qui signent l’étude, livrent deux principales observations : d’abord, un peu moins des deux tiers des livres auto-édités appartiennent à la fiction et au romanesque. La répartition des livres autoédités varie fortement selon les genres : la poésie et les romans sont ainsi surreprésentés en autoédition, à l’inverse de la bande dessinée et de la littérature jeunesse.

Par ailleurs, les deux mondes de l’édition classique et de l’autoédition semblent s’ignorer : « la mobilité entre autoédition et édition classique est faible » et les acteurs traditionnels conservent une marge d’avance : les auteurs n’ayant connu que l’édition classique bénéficient d’une plus forte notoriété et atteignent de plus grosses ventes (...) les auteurs fidèles à leurs éditeurs publient deux fois plus en moyenne que les auteurs autoédités. La question de l’œuf et de la poule reste sans réponse : la renommée entraîne la diffusion ou l’inverse ? Et celle du pré carré reste entière, puisque les auteurs auto-publiés ont plus difficilement accès aux circuits de distribution conventionnels et, lorsqu’ils parviennent à y être répertoriés, vendent peu d’exemplaires papier.

Ce qui amène les chercheurs à conclure : l’autoédition ne semble donc pas pour le court/moyen terme une menace pour l’édition traditionnelle. Déduisons aussi que la frilosité des libraires et l’ignorance des bibliothécaires privent les lecteurs d’un livre sur cinq !

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